18h00, Paris 14e. Lorsqu’exceptionellement je demande l’autorisation danser, elle m’est presque systématiquement refusée. Et c’est grave je trouve, c’est un certain état de durcissement du monde où la poésie semble ne pouvoir trouver sa place que par effraction. Sur le grand chantier du Gaumont Alésia, aux incroyables arches de métal, il n’y avait plus personne, les ouvriers étaient partis. J’aurais pu danser sans rien dire, juste une minute avant de me faire interrompre. Mais j’ai gentiment demandé une autorisation que les deux ingénieurs des travaux publics m’ont expressément refusée : "la direction l’interdit absolument, même si vous ne dansez pas dans le chantier mais juste devant"... "Mais vous pouvez danser dans la rue si vous voulez" (merci, trop aimable :-)). Deux jeunes ingénieurs, droits dans leurs bottes de caoutchouc, à peine plus vieux que mon frère (ingénieur lui aussi). C’était "non". J’ai trouvé ça banal et triste. Mais c’est justement dans ce genre d’endroits, où une inoffensive minute de danse n’a aucune place, qu’il faut aussi que je danse. C’est en partie pour ça que je m’engage. Alors, le cœur un peu serré, j’ai rassemblé mon courage et, juste avant de partir, essayant de devenir invisible, j’ai posé ma caméra par terre et j’ai tout de même dansé. Une petite danse de rien contre l’interdiction généralisée. Une goutte d'eau sur la pierre.
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